L'impôt juste est celui que l'on diminue
L'impôt juste est celui que l'on diminue
Publié dans Lecho 03 novembre 2009
Pour rappel, l'impôt remplit quatre rôles. Tout d'abord, il s'agit de la contribution de chacun aux dépenses communes (sécurité, infrastructure, enseignement, justice…).
Publié dans Lecho 03 novembre 2009
Pour rappel, l'impôt remplit quatre rôles. Tout d'abord, il s'agit de la contribution de chacun aux dépenses communes (sécurité, infrastructure, enseignement, justice…).
Ensuite, l'impôt permet de diminuer les inégalités, en faisant payer proportionnellement plus à ceux qui possèdent ou gagnent plus. Il sert à redistribuer proportionnellement plus à ceux qui gagnent moins ou qui possèdent moins. L'impôt a aussi un rôle d'incitant ou de désincitant. Par exemple: taxer les voitures polluantes et détaxer les travaux d'isolation des maisons.
Enfin l'impôt est un outil à la disposition de l'État pour influencer l'économie. Une baisse d'impôts ou une augmentation des dépenses permettrait, selon certains économistes (et hommes politiques ou représentants syndicaux) de relancer l'économie.
Influencer l'économie
Le raisonnement est le suivant: si l'État dépense 100 millions de plus, les agents économiques qui perçoivent ces 100 millions vont à leur tour en dépenser une partie. Et cette partie sera à nouveau dépensée. C'est le multiplicateur keynésien. Le beau côté de la démonstration est que l'État récupérera (après quelques années) son investissement de départ. En effet, les dépenses additionnelles seront taxées elles aussi, et ces impôts devraient, selon la théorie, compenser, voire dépasser la somme initiale injectée par l'État. C'est oublier plusieurs choses…
D'abord l'État ne peut (plus) créer de la monnaie à partir de rien. L'argent doit être prélevé sur l'économie, par des impôts ou des emprunts (qui ne pourront être remboursés dans le futur que par des impôts supplémentaires). Même à considérer que les dépenses de l'État ont un «multiplicateur» supérieur à 1, la vraie question à se poser est de savoir si ce multiplicateur est supérieur au multiplicateur qu'auraient obtenu les agents économiques que l'on prive de cet argent (par l'impôt ou par l'emprunt).
Et en cela, la situation est très différente de celle que Keynes connaissait. D'abord, le niveau de déficit de l'État américain était à un niveau bien plus faible que notre déficit actuel.
Ensuite, le niveau des infrastructures (routes, ports…) faisait qu'un investissement dans ce domaine participait certainement à la croissance. L'argument d'effet multiplicateur est donc un argument qui ne peut être valablement retenu.
Augmenter les dépenses
Mais alors, une augmentation des dépenses est-il nécessaire, voire souhaitable du point de vue des autres rôles de l'impôt?
Les dépenses de sécurité sociale, considérées comme l'instrument de choix pour la redistribution des richesses, représentent plus de 50 % du budget de l'État. Maîtriser ces dépenses, non pas en diminuant le montant des prestations mais en les rendant plus efficientes est une nécessité absolue. Par efficacité, nous entendons d'abord la diminution drastique de tous les frais de fonctionnement qui ne profitent pas aux bénéficiaires, mais aussi un contrôle plus rigoureux des allocations. Le résultat serait alors une réduction des dépenses mais aussi une plus grande justice vis-à-vis de ceux qui ont réellement besoin de ces allocations.
Quant aux dépenses communes, les rendre plus efficaces ne serait que juste. D'abord parce qu'il est équitable que les citoyens «en reçoivent pour leur argent» mais surtout parce que seules les personnes à revenu plus élevé peuvent pallier l'inefficience des services publics. Par exemple, la gabegie de l'enseignement francophone, qui coûte près de 4 000 € par ménage et par an avec les résultats catastrophiques que l'on connaît, désavantage les enfants dont les parents ne peuvent les aider ou leur payer des cours particuliers (marché évalué à 200 millions d'euros!) Rendre les services publics plus efficients profiterait donc d'abord aux moins favorisés et permettrait par ailleurs des économies. L'enseignement en Communauté française est un des plus cher d'Europe…
Terminons par un mot sur les impôts (dés) incitants. Rappelons qu'un bon impôt désincitant ne rapporte rien par définition, puisque son but est de décourager le comportement qui donne lieu à l'impôt. Quant aux impôts «incitants», ils profitent toujours plus aux personnes aux revenus les plus élevés, soit que la déduction se fait au taux marginal, soit que l'investissement nécessaire pour en profiter soit trop élevé pour les revenus les plus faibles.
Il est donc évident que les dépenses de l'État doivent être réduites d'urgence, non seulement pour diminuer sa dette, mais aussi et surtout pour diminuer les impôts, par justice fiscale. Cela demande peut-être un peu plus que «5 minutes de courage politique». Mais ce qui est demandé à l'État est ce que chaque entreprise, chaque ménage fait constamment: s'interroger au moins une fois par an sur la pertinence de chaque dépense… l
Xavier Guyaux
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